La multiplication des fouilles ces quinze dernières années en Alsace, selon les méthodes d’analyse en anthropologie de terrain, a permis la mise en évidence de la grande variété des tombes et de leurs dispositifs architecturaux aux époques mérovingienne et carolingienne. Cependant, l’absence d'une définition commune de ces tombes a conduit à la multiplication des typologies, rendant pour l’instant difficile tout travail de synthèse. L’objectif de ce thème est donc de recenser les différents dispositifs architecturaux présents en Alsace entre le Ve et le Xe siècle afin d’aboutir à une typologie régionale.
Cette étude sera menée à partir des ensembles funéraires régionaux les mieux documentés, correspondant aux dix sites de référence et complétés, si nécessaire, par d’autres sites du corpus régional, si ceux-ci ont montré des types inédits.
L’établissement d’un vocabulaire commun composera un des préalables nécessaire à ce travail. Il s’appuiera sur de la terminologie déjà employée par les principaux auteurs de langue française et allemande travaillant sur les périodes mérovingienne et carolingienne (Brendel 2012 ; Marti 2000 ; Windler et al. 2005 ; Duday 1990 et 2005 ; Blaizot et al. 2005 ; Blaizot 2008 ; 2011 ; Henrion, Hunot 1996 ; Henrion 1998 et 2012).
L’étude sur les tombes s’attachera à identifier et à sélectionner les différents types existants et à isoler les critères archéologiques et taphonomiques les plus objectifs et les plus pertinents pour les définir. L’évolution des constructions funéraires du Ve jusqu'au Xe siècle constituera le deuxième volet de ces recherches. Au vue de la position géographique frontalière de la région et du rattachement de l’Alsace à l’espace alémanique, des parallèles seront à chercher en Allemagne et en Suisse.
L’Alsace s’intègre à l’époque mérovingienne à la sphère culturelle alémanique, provoquant vers la fin du Ve siècle à la réintroduction de l’inhumation habillée et le dépôt presque systématique d’effets personnels dans les tombes. Ces objets constituent pour l’époque une documentation inégalable, peu exploitée jusqu'à présent. Certaines catégories d'objets ont été traitées dans le cadre des travaux universitaires : la céramique et la vaisselle en verre dans deux thèses (Châtelet 2002 ; Feyeux 2003), les objets métalliques de la nécropole de Herrlisheim-près-Colmar et les armes de la nécropole d’Erstein dans deux masters (Thomann 1997 ; Fischbach 2010). La parution en 2009 du catalogue complet des objets découverts jusqu’en 1986 dans les nécropoles mérovingiennes du Bas-Rhin a permis par ailleurs de donner un outil de travail essentiel pour les chercheurs travaillant sur la période (Schnitzler et al. 2009). Ce catalogue sera complété bientôt par un autre concernant le Haut-Rhin.
L’objectif fixé se veut d’être réaliste, il ne s’agira pas de réaliser la typo-chronologie régionale manquante, qui constituerait un projet titanesque n’ayant que peu de chance d’aboutir dans le cadre choisi. Les recherches porteront plus particulièrement sur les objets pourvus d’une forte signification chronologique et sur lesquelles des études ont déjà été engagées. Les perles, les armes, les garnitures de ceinture et les fibules.
Pour mettre en place les bases d’une typo-chronologie régionale, nous tenterons enfin une sériation par permutation matricielle du mobilier des tombes issues des dix sites de référence.
Les perles constituent l’un des éléments les plus pertinents pour la datation des tombes féminines : elles sont souvent présentes dans les sépultures et les études ont montré qu’elles composaient, pour la période, un excellent marqueur chronologique (Theune-Vogt 1990).
Les bases pour une typologie régionale des perles ont été établies en 2008. Cette typologie, fondée sur celle de Claudia Theune-Vogt, a été élaborée à partir des nécropoles d’Osthouse et de Matzenheim et enrichie progressivement par les études des nécropoles de Hégenheim, d’Eckwersheim et de Marlenheim (Châtelet 2009 ; et en cours). Le fichier des perles compte aujourd’hui 2110 enregistrements.
Ce travail devra être poursuivi par l’intégration des grandes séries d’Illfurth (n=1422), de Vendenheim (n=966), d’Odratzheim (n=893), de Roeschwoog (n=289) et de Merxheim (n=434) qui seront soumises ensuite à une sériation par permutation matricielle, destinée à mettre en évidence les grandes phases de l’évolution des perles et des colliers à l’échelle régionale.
Ce travail s’appuie sur un mémoire de master 2, soutenu à l’université de Strasbourg et portant sur l’armement de la nécropole mérovingienne d’Erstein (Fischbach 2010). Il a pour objet de compléter cette première étude par l’intégration des données issues des autres nécropoles. L’objectif est double : il s’agit d’une part d’établir une typo-chronologie régionale, en partant de celles déjà définies pour le sud de l’Allemagne, le nord-ouest de la Suisse et le nord de la France (Wernard 1998 ; Marti 2000 ; Legoux et al. 2009) ; et d’autre part, de déterminer les caractéristiques régionales de l’armement par une étude typologique et statistique comparative, comme l’ont tenté déjà pour d’autres régions F. Siegmund (2000) et S. Hackenbeck (2011).
Les fibules feront l’objet d’une première identification pour être intégrées dans un travail plus global portant sur les fibules mérovingiennes du monde franc (S. Brather-Walter).
Ce travail sera réalisé à partir des sites de référence. Il s’agira de réaliser une sériation par permutation matricielle des tombes les mieux dotées en mobilier pour tenter d’établir les premiers fondements d’une typo-chronologie régionale.