La caractérisation de l’identité biologique des populations inhumées provient de l’analyse et de l’interprétation des données anthropologiques qui, acquises récemment, sont le plus souvent cantonnées à chaque site et ne sont que rarement étudiées à une échelle plus globale. L’application quasi systématique de ce type d’approche pour les ensembles funéraires récemment fouillés en Alsace permettrait désormais d’en faire la synthèse régionale.
De telles comparaisons se heurteront cependant à certains écueils, notamment les différences méthodologiques utilisées pour l’acquisition des données anthropologiques, découlant de la constante évolution de la discipline.
Nous proposons donc de réaliser une réévaluation des données, afin de mettre en place une base de travail la plus fiable et la plus pertinente possible. Parmi les sites de référence, ce sont 609 sépultures qui seraient concernées.
Deux aspects principaux seront traités :
D'une part, l’homogénéisation des méthodes d’identification biologique permettra d’évaluer si les populations inhumées correspondent aux populations décédées d’origine ou si une sélection, motivée par l’âge ou le sexe, a été mise en place vis-à-vis de l’accès aux ensembles funéraires. Cette problématique est étroitement liée au thème concernant l’organisation et l’évolution des espaces funéraires.
D’autre part, les collections du PCR seront intégrées au projet ANR Ancestra porté par Mélanie Pruvost (Institut Jacques Monod, Paris).Ce projet ambitieux vise à étudier le peuplement de la France sur une vaste période chronologique (du Néolithique à l’époque mérovingienne) par l’intermédiaire de l’étude de l’ADN ancien. D’un point de vue plus régional et pour ce qui concerne notre PCR, ces analyses pourront apporter des réponses à des problématiques internes à chaque site (confirmation ou détermination du sexe biologique, indentification de liens de parenté) mais également à des problématiques plus larges (origine des populations, brassages génétiques, modalités de peuplement).
La fréquence du mobilier funéraire dans les inhumations de la période mérovingienne permet d’envisager une détermination du sexe dit « archéologique ». En effet, si certains types de mobilier sont plutôt mixtes (céramiques, …), d’autres sont préférentiellement associés à des sépultures masculines (objets relatifs à l’armement : scramasaxe, umbo, épée, fer de lance par exemple) ou féminines (objets relatifs à la parure : collier de perles, boucles d’oreilles ou encore châtelaine).
Cette approche est fréquemment utilisée en Alsace pour déterminer le sexe d’un individu en complément de la diagnose basée sur des critères exclusivement biologiques. Elle n’a cependant encore fait l’objet d’aucune validation statistique et son application s’avère régulièrement discutée et remise en cause. Un examen statistique des données régionales permettrait d’évaluer la fiabilité de cette méthode et peut-être de valider statistiquement la notion de « sexe archéologique ».
Une telle étude nécessite la création d’un corpus le plus large possible, constitué de tombes associant un dépôt funéraire d’objets jugés discriminants (à définir au préalable avec les archéologues) et des données biologiques fiables, basées sur la détermination du sexe « biologique » à l’aide de la Diagnose Sexuelle Probabiliste (Murail et al. 2005). Cette méthode présente, entre autres avantages, de fournir le taux de probabilité d'une détermination féminine ou masculine, avec un taux de détermination correcte proche de 100%. La détermination du sexe devra faire l’objet d’un réexamen dans les cas où cette méthode n’aurait pas été utilisée.
A l’heure actuelle, peu de publications concernent cet aspect, et ce sont le plus souvent les exceptions à cette pratique qui sont mises en avant, comme dans les travaux de Knüsel et Ripley (2000) qui mettent en exergue l’existence d’associations de squelettes d’hommes avec du mobilier funéraire supposé féminin en Grande-Bretagne. L’examen statistique du « sexe archéologique » pour l’Alsace permettra d’alimenter ce débat avec des données fiables et récentes, ce qui fait défaut dans la recherche actuelle.